Bourse pour les PME – ETI et finance plus verte

CCEF Convergence n°25 Novembre 2018

Par Louis-Victor d’HERBÈS, Conseil en levée de capitaux et listing sponsor, membre de la CCEF, Fondateur d’Industrie, Bourse, international

La finance verte a pour socle la transition énergétique et le développement des énergies renouvelables.

Comment la Bourse pour les PME et les ETI contribue t’elle à une finance plus conforme à une certaine idée du « devoir de conscience envers autrui » dans le respect du « bien commun » ?

Deux termes peuvent en effet interpeller plus particulièrement.

Le premier est celui d’un espace « commun » et limité : « maison commune » (pape François) pour la planète dans l’encyclique « Laudato si » de mai 2015, « maison commune de la croissance » (Stéphane Boujnah – Président du Directoire d’Euronext – opérateur européen de marché) pour illustrer la Bourse (1), « Economie du bien commun » paru en 2016 du prix Nobel Jean Tirole.

Le second est celui de « devoir de conscience » apparaissant dans l’Article 1100 du Code Civil (2) : « Les obligations (…) peuvent naître de l’exécution volontaire ou de la promesse d’exécution d’un devoir de conscience envers autrui. » Ce devoir de conscience envers autrui est un engagement fort.

Le marché boursier en France tire sa robustesse par l’ancienneté des entreprises qui y sont cotées, l’innovation qu’il permet à de nombreuses jeunes et moins jeunes pousses de financer, la précision et la logique de plus en plus structurante de sa régulation, et le niveau technologique développé par son opérateur.

Entre le 1 janvier 2015 et le 2 août 2018, 51 entreprises sont entrées sur le marché réglementé Euronext dont 37 en Offre publique et 14 en cotation directe (3), et 54 entreprises (2 sorties de la cote depuis, dont 1 transfert sur le marché réglementé Euronext IFRS (4)(5) sont entrées sur le marché Euronext Growth™ (ancien Alternext) dont 33 en offre publique et 19 en cotation directe. La progression du cours de la promotion 2015-2018 au 2 août 2018 par rapport au 1er jour de cotation a été négative de 14,2% sur le marché réglementé Euronext et positive de 7,7% sur le marché Euronext Growth™.

Cette montée en puissance des cotations directes accentue le rôle de la Bourse en tant qu’outil officiel de cotation des actions d’une entreprise. Preuve en est que sur le marché réglementé Euronext IFRS, la capitalisation boursière totale des entreprises ayant choisi la cotation directe s’élève à 138,3 milliards € au 1er jour de cotation, à comparer à 943 millions € sur Euronext Growth™.

À titre de comparaison, la capitalisation boursière totale des entreprises ayant choisi l’offre publique (ou IPO – Initial Public Offering) s’élève à 27,1 milliards € au 1er jour de cotation, à comparer à 1,3 milliard € sur Euronext Growth™.

Une entreprise qui cote ses actions, sous forme publique ou non, améliore la transparence des éléments qui constituent sa valeur. Le sujet de la fameuse liquidité n’est qu’un des paramètres d’appréciation: une action affiche un prix si elle est faiblement échangée, et un cours si elle l’est davantage.

Une cotation peut être plus ou moins exacte, nécessitant parfois l’avis d’un évaluateur ou d’un analyste, en complément de la confrontation avec le marché pour s’ajuster en fonction d’une information accessible à tous (6).

On peut noter que sur le marché réglementé Euronext IFRS, la capitalisation boursière totale, au 2 août 2013 des entreprises cotées depuis 2015 ayant choisi la cotation directe a diminué de 22,7% depuis le 1er jour de cotation, et a augmenté de 4,5% sur Euronext Growth™.

À titre de comparaison, sur la même période, la capitalisation boursière totale des entreprises ayant choisi l’offre publique sur Euronext IFRS a progressé de 28,8% par rapport au 1er jour de cotation, à comparer à une progression de 10% sur Euronext Growth™.

La confrontation du plus grand nombre possible d’ordres d’achat et de vente déclenchés par une information normée, diversifiée, ouverte, et libre d’accès, est un moyen efficace d’évaluer une entreprise.

Le marché boursier confirme bien, sur ce constat partiel des presque quatre dernières années, la pertinence d’une approche de transparence consistant à partager une information qui place l’émetteur de celle-ci sous le regard des autres, à deux niveaux différents selon lesquels l’entreprise a choisir de coter ses actions: réglementé avec plus de contraintes sur Euronext IFRS, et régulé avec des contraintes allégées sur Euronext Growth™, mais dans les deux cas structurantes car elles peuvent créer une pression positive sur l’entreprise pour livrer de la performance.

On peut critiquer la dimension de spéculation qui prendrait l’ascendant sur la dimension d’investissement. Benjamin Graham subordonnait la qualification d’investissement une opération résultant d’une « analyse approfondie », sans laquelle l’opération était spéculative. Il existe toujours une part de spéculation dans l’investissement, et réciproquement. L’essentiel est que le jugement de l’investisseur puisse se fonder sur une analyse approfondie s’il le souhaite.

La finance comportementale apparaît pour révéler la part psychologique du fonctionnement du marché financier et des investisseurs. Elle expliquera peut-être aussi les raisons du développement actuel du trading haute fréquence qui mécanise le fonctionnement du marché, certes en effaçant le raisonnement de l’investisseur par des ordres d’achats ou de ventes programmés voire robotisés, mais aussi, paradoxalement, en éliminant dans certaines situations des situations temporaires de non liquidité paralysant les échanges d’actions de certaines actions de PME-ETI.

L’éco-système boursier emploie en quantité considérable des compétences de haut niveau de juristes, d’experts-comptables, de commissaires aux comptes, d’évaluateurs, d’analystes financiers, de sociétés d’investissements, d’établissements bancaires, de conseils en communication, d’informaticiens sachant gérer des infrastructures d’acheminement d’informations accessibles afin que puisse s’exercer la nécessaire liberté d’investir.

Le marché boursier doit-il avoir un rôle d’allocation du capital auprès d’entreprises plus vulnérables? Sur les 51 entreprises entrées sur le marché Euronext depuis 2015, 15 sont en résultat net déficitaire sur l’exercice 2017 et 14 le sont sur les 54 entreprises (52 toujours cotées) entrées sur Euronext Growth™. L’accueil d’entreprises plus vulnérables financièrement, à condition de présenter un potentiel de progression, fait partie de la mission des marchés financiers. Les exemples de réussites extraordinaires pour les entrepreneurs et leurs actionnaires sont là.

Nous sommes loin du temps où les belles ETI entraient en grand nombre en Bourse, ce que l’on peut regretter. Elles apportent un profil de risque que l’on peut analyser sans nécessairement être ingénieur ou médecin, et des perspectives de croissance solides souvent rémunérées aussi par un dividende.

Avec la qualité de l’outil boursier dont notre pays dispose, pourquoi ne pas l’utiliser davantage et offrir à l’épargne européenne l’envie de participer à de belles aventures entrepreneuriales aussi diversifiées que possible?

Les marchés financiers sont des « bassins de liquidité » au service du financement des entreprises pendant et après leur entrée en Bourse, au service d’une finance plus verte. Que ces bassins préservent une eau aussi pure et abondante que possible, dans cet espace de « bien commun » aux ressources limitées, afin de continuer à inspirer une confiance nourrie par le « devoir de conscience envers autrui ».

(1) Conférence annuelle du marché boursier, 19 janvier 2016

(2) Article créé par l’ordonnance 2016-131 du 10 février 2016

(3) Une cotation directe est une entrée en bourse sans mise à disposition de titres dans le Public, ou avec mise à disposition limitée d’actions. Une cotation directe n’est pas une IPO, elle sert à coter une action alors qu’une IPO permet de lever des fonds et de coter une action.

(4) Figeac Aéro (pièces de structures pour l’aéronautique) est entrée le 23 décembre 2013 sur Euronext Growth par cotation directe en placement privé pour lever 17,5 M€ à une capitalisation boursière de 244 M€, puis a réalisé une offre publique sur Euronext Growth™ le 18 mars 2016 pour lever 96,2 M€ à une capitalisation boursière de 683 M€, avant un transfert sur Euronext IFRS le 23 mars 2016 par cotation directe.

(5) Les comptes sur le marché réglementé doivent être présentés en référentiel IFRS, et en référentiel national sur Euronext Growth™.

(6) Réglement européen MAR entré en application le 3 juillet 2016.

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